Avec "28 ans plus tard", Danny Boyle imagine un film d’horreur original

Dans 28 ans plus tard, vous montrez la souffrance des infectés. Une thématique assez inédite pour un film de zombies…
Cette idée est née des recherches initiales. Je ne voulais pas faire un simple film de zombies, mais plutôt une réinvention, une mise à jour du genre. Nous avons réfléchi à la manière de représenter ces créatures, cette menace. En explorant, nous sommes tombés sur des photographies médicales extraordinaires de patients atteints de la rage. Ces images montraient les différentes étapes de la maladie, qui est extrêmement douloureuse. Aujourd’hui, si vous êtes mordu par un chien, une injection très douloureuse peut vous sauver. Mais autrefois, sans traitement, la rage évoluait inexorablement. À la troisième étape, appelée hydrophobie, les patients développaient une peur viscérale de l’eau. Ces photos, prises dans des hôpitaux, capturaient aussi des visages tordus par la terreur lorsqu’on approchait une bouteille d’eau près d’eux… Nous nous sommes alors dit: et si, au moment où l’infecté vous attaque, il n’était pas triomphant, mais terrifié? Dans ce cas, la dernière chose que vous voyez, c’est quelqu’un qui vous tue, mais qui souffre en même temps. Cette idée de douleur et de peur incontrôlable rend les infectés tragiques.
Il est question d’épidémie. L’évolution du Covid a-t-elle influencé votre processus de création?
Oui, énormément. Quand nous avons commencé à travailler sur ce projet, 28 ans après l’épidémie initiale montrée dans le premier opus, nous nous sommes demandé ce qui avait changé. On voit les survivants vivre de manière autarcique, sur une ferme ou une île fortifiée, protégés non seulement des infectés, mais aussi des étrangers. Une communauté de 100 à 150 personnes est idéale: assez petite pour que chacun connaisse les autres, pour que la confiance repose sur des relations personnelles, sans besoin de systèmes comme l’argent ou la religion. Tout semblait stable au départ. Ensuite, nous nous sommes interrogés sur l’évolution du virus. Le Covid nous a appris que, face à une pandémie, les comportements évoluent. Au début, tout le monde était terrifié, confiné, prudent. Puis, peu à peu, les gens se sont relâchés, ont pris plus de risques. On a vu que les virus mutent, s’adaptent. Nous avons donc imaginé que notre virus avait lui aussi évolué. Les infectés, qui brûlaient énormément d’énergie dans leur frénésie, se seraient épuisés rapidement s’ils n’avaient pas changé. Ils ont appris à se nourrir, à chasser en groupe, comme des prédateurs organisés, un peu comme des félins, et ont même des Alphas comme leaders.
Concernant la violence, où tracez-vous la limite dans un film d’horreur, et comment avez-vous conçu cette approche?
Dans l’horreur, la ligne à ne pas franchir est celle de la crédibilité. Il faut que le public y croie, qu’il ressente les émotions viscéralement. Ce n’est pas une question de réalisme médical, mais de conviction. Les spectateurs doivent se dire: "Oui, ça pourrait arriver comme ça." L’horreur fonctionne parce qu’elle touche quelque chose de profond, une sensation brute. C’est pourquoi j’insiste sur la douleur des infectés, pour qu’on la ressente dans nos tripes. C’est ce qui motive à aller voir un film d’horreur: vivre cette intensité.
Notre avisCela fait près de trente ans que le virus de la Fureur s’est échappé d’un laboratoire d’armement biologique. Alors qu’un confinement très strict a été mis en place, certains ont trouvé le moyen de survivre parmi les personnes infectées. C’est ainsi qu’une communauté de rescapés s’est réfugiée sur une petite île seulement reliée au continent par une route, placée sous haute protection…
Notre avis28 jours plus tard (2002), 28 semaines plus tard (2007) et donc 28 ans plus tard (2025). Un nouveau volet qui se situe dans le même univers que les précédents mais qui est aussi le point de départ d’une nouvelle trilogie. Le cliffhanger final laissant beaucoup de choses en suspens. Et si on ne retrouve pas, pour l’instant, le héros originel, Jim, incarné par Cillian Murphy (Danny Boyle promet qu’il apparaîtra à la fin du prochain film et prendra les rênes du dernier), ce volet propose des personnages suffisamment forts pour qu’on se replonge dans cette Angleterre coupée du monde en raison de la présence d’infectés.
Le protagoniste principal, Spike, pré-ado, découvre ce monde apocalyptique, ne cherche pas à être un tueur de zombies comme les hommes qui l’entourent, mais à être dans une forme d’empathie. Il se confronte aussi à la mort par le mal dont souffre sa mère, qu’il tente de sauver jusqu’au bout. Par ce biais, cet anti-blockbuster évoque la maladie et la nécessité de rendre hommage aux êtres chers qui nous ont quittés. Un mémorial créé avec des crânes, par un ancien docteur marginal (étonnant Ralph Fiennes), illustre parfaitement ce propos. Avec son sens de la mise en scène, nerveux et dynamique, le cinéaste de Trainspotting montre également la douleur… de ces zombies, comme s’ils avaient quelque part conscience de leur condition.
DE DANNY BOYLE (Grande Bretagne), avec Aaron Taylor-Johnson, Jodie Comer, Alfie Williams… Horreur. 1h55. Notre avis: 4/5.
Nice Matin